De chair et d'artifices
L'utopie de l'urubu est un spectacle de la compagnie Estro, une compagnie de danseurs de tango, mais qu'est-ce que le tango? Une danse?
L'urubu est un vautour qui se nourrit de chair, un charognard qui guette la mort de ses proies : métaphore du jeu de dévoration des corps dans la danse. Un mystère primitif et archaïque où la séduction n'est que l'apparence qui masque l'enjeu profond du couple harmonieux, et où le code de la danse est une forme rituelle du sacrifice de la chair.
Le spectacle nous conduit dans un périple qui explore le tango comme métaphore de la vie, de la naissance dans des cocons géants des danseurs tenant une flamme de vie, à la mort des illusions dans la cage des fantasmes. Vivre c'est laisser s'envoler des lambeaux de désirs comme autant de plumes de boas, de décorations clinquantes pour l'apparat de la séduction animale ou de celle des concours de danse . Le propos est vif, pointu, acéré pour mettre en relief le squelette de nos relations humaines, de la machine à divertissement que parfois notre vie devient.
Il y a une forme d'animalité, et en même temps une artificialité suprême qui s'entremêlent et se combattent, comme dans la danse elle-même, une harmonie qui n'est pas équilibre, mais chutes incessamment rattrapées comme par miracle, où le tout de l'existence se joue, par un mouvement contrarié, mais abouti, de relance pour que la danse continue. Bref une vie vécue à fond, parsemée de prises de risques sans quoi il se peut qu'elle ne vaille pas la peine d'être vécue, et même si ça fait mal. Reste à apprendre à danser le tango sur le fil du rasoir, à deux.
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