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Chaplin 39

Le défi du vrai au cœur de l’artifice


« Chaplin 39 », un nom, une date et des liens qui se ramifient tissant une toile unissant le plus intime d’un homme à la grande Histoire. Ça commence avec une petite touffe de poils, une moustache, jusqu’à trouver des extensions imprévisibles au quatre coins du monde.

Chaplin écrit son nouvel opus « Le dictateur », plongé dans les affres de la création, on voit toute la variété de sa créativité, et ses doutes, sa recherche effrénée. Ici commence une double métamorphose : l’auteur (Charlie Chaplin) devient son personnage (Charlot) et l’acteur (Romain Arnaud-Kneisky) devient son personnage (Charlie- charlot). La transformation est saisissante, on y croit, on a atteint quelque chose d’authentique de ce monstre sacré. Certainement que l’écriture du texte et la mise en scène de Cliff Paillé y sont pour quelque chose, terreau de la révélation. Avec une grande subtilité et une force d’évocation qui font que rien ne râpe, ou nécessite un effort, le jeu se déploie avec une évidence qui efface la distance public – scène : on n’est pas au spectacle, voyeur distant, on est dans le bureau de Chaplin partageant son intimité et ses questionnements.

Le monde part en vrille, Chaplin se veut réactif et engagé pour maintenir un sens et des valeurs.

La vie professionnelle de Chaplin est sur le fil du rasoir, son frère Sydney (Alexandre Cattez, au jeu solide et varié) le met en garde et veut le protéger.

La vie amoureuse de Chaplin traverse une crise et sa femme Paulette (Alice Serfati, vibrante et incandescente) vient lui rappeler un certain nombre de choses fondamentales sur la sincérité.

De l’ombre à la lumière, du faux au vrai, du mensonge à la sincérité, de la médiocrité à la sublimité, de la lâcheté au courage, du jeu à l’authenticité, cette œuvre nous fait parcourir les extrêmes de l’âme humaine, comme une nécessité absolue : c’est un passage indispensable et sans cesse renouvelé, pour atteindre le cœur des choses. On pourrait ramener, pour plus de facilité, chaque caractère au critère manichéen du méchant et du gentil, mais ces personnages nous conduisent bien plus loin en signifiant la complexité des choses, des émotions, des vies et la nécessité à chaque seconde d’affronter tous les terrains, les champs de mine, de nos existences explosées. Déflagration que l’histoire, et en particulier celle des années 30, va souligner, révéler, nous ne sommes jamais autant nous même que confrontés au destin des grandes choses. N’est-ce pas la mission de l’artiste de s’affronter au réel et au plus difficile, quitte à s’y perdre, à échapper à tout contrôle, et sortir blessé ou transfiguré, les deux à la fois, de cette expérience ?

Ce spectacle, avec son économie des moyens matériels, le décor minimaliste est extrêmement efficace, par le jeu puissant et nuancé des trois comédiens, expose une complexité du monde et de l’âme humaine qu’il nous est indispensable aujourd’hui de contempler, pour ne pas sombrer comme en 39 dans la facilité des caricatures.


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